jeudi 13 septembre 2012

Les Hautes Falaises, Le Séjour à Chenecé ou les Quartiers d' Hiver (2 et 3) de Jean-Paul Goux

   A la fin de l'Embardée, nous avons laissé Simon anéanti par la décision de ses parents de transformer l'appartement en quatre logements destinés à la vente. Volonté de "la faucheuse à deux têtes" de faire disparaître une époque qui lui tenait à coeur.

   Les Hautes Falaises.

   Quarante années plus tard, Simon reçoit un coup de téléphone surprenant : "C'est Bastien à l'appareil..." La voix lui semble familière mais le prénom n'évoque rien pour lui. "Le Port de Grâce, Le Funi, L'Epine." Et la mémoire lui revient : le camarade d'école, le copain des années de lycée, la rupture brutale et inexpliquée de leur amitié à la fin de la terminale. L'Epine, c'est dans cette abbaye propriété de la famille de Bastien que ce dernier désire le rencontrer. Intrigué, désireux de comprendre les raisons qui motivent cette rencontre, Simon accepte de s'y rendre : possibilité inattendue de connaître, enfin, ce lieu de vacances idylliques dont il a rêvé dans ses années lycéennes en écoutant les dires enthousiastes de Bastien. Lieu d'autant plus idéalisé que l'autorisation d'y séjourner lui fût toujours refusée par des parents engoncés dans un conformisme hors de propos.

   Le Séjour à Chenecé.

   "Je suis Alexis Chauvel, pauvre d'esprit, comme ils disent, depuis plus de quarante ans gardien de l'Epine, comme nous disions, gardien de Chenecé ou gardien de l'Abbaye, comme je préfère dire,..."
   Gardien, il en sera aussi l'ermite, le reclus volontaire en quête d'une identité qui se dérobe et d'un temps qui s'écoule sans qu'il puisse le maîtriser. A la dérive dans l'immensité de l'Abbaye, sa déambulation deviendra peu à peu exploration. Il va apprivoiser les lieux, apprécier leur beauté et découvrir "l'armoire" où il se réfugie pour "nébuler" dans la plus parfaite des solitudes. La lecture d'une légende lui apprendra qu'il ne fût pas le seul à vivre "dans sa propre maison comme un inconnu". C'est alors qu'il réalisera qu'il a trouvé un frère à sa mesure.

   Dans les récits de Jean-Paul Goux, les lieux ont autant d'importance, sinon plus, que les personnages. D'une écriture foisonnante, fouillée, précise dans les moindres détails, qu'il soit dans le domaine "du dehors" ou dans celui "du dedans", le lecteur saisit vite l'influence de l'un sur l'autre. Pas de doute c'est le lieu qui façonne les personnages. Le secret, la solitude sont ici l'aboutissement d'une quête de soi et l'accession à une paix de l'âme qui semblait inaccessible.
   Si l'écriture au départ peut sembler déroutante, singulière, au fil des pages le lecteur finit par s'y "couler" et la lecture devient alors plaisir inoubliable.

   Editions Actes Sud 2009 et 2012.